11 novembre 2022

Les 180 premiers jours de l’écosocialisme

Jean-Claude Simon est un Camarade qui réfléchit depuis longtemps sur l'Écosocialisme et ses conséquences idéologiques. Il vit au Danemark et fait partie de Négawatt et fait de la rechercheavec Transform europe ! Sur l'économie politique et la transition socio-écologique.


Les 180 premiers jours de l’écosocialisme
Jean-Claude Simon
Collectif l’Exigence Démocratique
Novembre 2021


Prise du pouvoir et constitution

L
a prise du pouvoir par notre bloc social sera le résultat d’une révolution car pour changer d’économie politique et transformer le mode de production capitaliste (MPC), la révolution, c’est-à-dire un changement de paradigme, est nécessaire. Jamais une classe sociale au pouvoir n’a accepté de se retirer, et la bourgeoisie, nous l’avons vu à plusieurs reprises, n’acceptera pas. Il est possible que nous parvenions au pouvoir à la suite d’un blocage économique causé par une grève générale, par voie électorale, par réaction à une tentative de coup de force ordo-libéral (comme en Grèce en 2015), à la suite d’une crise de légitimité du régime provoquée par un krach financier ou une pandémie ; nul ne peut prédire ces conditions de changement historique. Dans tous les cas de figure, il nous faudra introduire une nouvelle constitution avec trois éléments spécifiques. D’abord le changement du régime de propriété avec la primauté de la propriété sociale des moyens de financement, de production et d’échanges ; deuxièmement, la reconnaissance des communs, de l’usufruit des communs, et de l’usage instituant des communs par la pratique militante (négation en acte du droit de
propriété1 ) ; troisièmement un nouveau cadre légal reconnaissant le droit à l’autogestion dans toutes les entités économiques et administratives. Ces trois éléments sont les préconditions nécessaires pour mettre fin à la subsomption réelle du travail sous le capital.

Libération du travail
A
fin de libérer le travail, il faudra prendre à la bourgeoisie le pouvoir de l’acheter et de le transformer en salariat (la subsomption formelle sous le capital). Le travail aura un statut de commun ; il deviendra donc inaliénable et sera placé hors marché. On comprend donc pourquoi une nouvelle constitution doit être bâtie sur le principe du ‘commun de la démocratie’ défini par Pierre Dardot et Christian Laval ainsi que sur la primauté de la propriété sociale des moyens de financement, de production et d’échanges. Le principe du commun de la démocratie est très clair :
« Pas d’exécution sans part égale de tous dans la décision…. Seule la coparticipation à la décision produit une co-obligation dans l’exécution de la décision…. Ceux qui sont chargés de mener une tâche à bien sont ceux qui ont le droit de décider du rythme de travail, et la seule instance habilitée à édicter des règles à cet égard est le collectif de ceux qui auront à s’y conformer »
2.
Pour ce qui est de la propriété sociale, comme le note les deux auteurs, il faut défendre l’idée que les questions relatives à la production et à l’usage de ses moyens – les lieux de leur implantation, les choix technologiques pour leur développement – relèvent d’abord de la décision de la société toute entière, et ensuite de celle du travailleur collectif qui en assure l’usage productif ; la prise de décision à leur sujet devant emprunter des formes démocratiques renouvelées
3. Voyons donc ce que sont ces formes.
Socialisation et autogestion: Dans un premier temps, les entreprises transnationales et leurs réseaux de PME économiquement dépendantes, les secteurs stratégiques, les entreprises du CAC 40, celles essentielles pour la transition énergétique, et celles qui ont fraudé le fisc ou sont coupables de crimes économiques deviendront propriété de la nation, non pas pour être étatisées, mais pour que leur socialisation soit effective dans le cadre de pratiques autogestionnaires (le cas des transnationales étrangères sera décidé par des négociations). Ceci est très important car il ne faut pas confondre étatisation et socialisation. Le mécanisme d’activation de la socialisation et du commun de la démocratie sera l’autogestion qui s’appliquera à tous les domaines de l’économie politique car c’est seulement en construisant une république autogérée que la société s’émancipera :
« L’enjeu est immense. Une autogestion imposée d’en haut, même par ‘l’État des Travailleurs’, ne serait qu’une caricature. Il ne s’agit plus seulement de réaliser la propriété collective des moyens de production, mais de transformer moyens et fins de production. Il faut penser l’appareil de production comme Marx a pensé l’État : la société ne peut pas seulement s’en emparer et le faire tourner tel quel, elle doit le modifier profondément en tenant compte de ses besoins, des conditions de travail, des contraintes écologiques… sans cette transformation, l’appareil de production risquerait d’échapper aux producteurs et aux citoyens en développant ses tendances au gigantisme, comme tout état a tendance à développer sa logique et à se bureaucratiser »
4.
Cette nouvelle forme de propriété sociale mettra un terme à la ‘création d’entreprises’ qui sera remplacée par la création de nouvelles entités économiques basées sur l’association de producteurs libres (collectifs de travail autogérés et coopératives). En accord avec les principes autogestionnaires un nouveau code du travail établira le droit des salariés à se regrouper en conseils ou comités ainsi que leur droit de vote sur les activités de gestion ; ces conseils/comités auront vocation à se coordonner au niveau local et régional dans le cadre de la république autogérée avec d’autres comités basés sur les lieux de résidence, les municipalités ou les régions afin de participer à l’évaluation des besoins.
Dans les entités économiques non concernées par les mesures de nationalisation, c’est-à-dire les entreprises moyennes et petites qui ne sont pas totalement imbriqués et captives des réseaux de la mondialisation du MPC, les salarié(e)s décideront par leur vote des mesures à prendre pour instaurer les pratiques autogestionnaires et l’extension de la démocratie sociale. Par ces mesures de démarchandisation du travail nous entrerons donc dans une phase de transition vers le socialisme autogéré puisque l’appropriation privée des fruits du travail social aura cessé dans les collectifs qui jouiront de l’usufruit permanent des moyens de production. Les collectifs/coopératives ne pourront pas être vendus et produiront en fonction des besoins ; ils seront placés en dehors des habituels circuits du capitalisme financier.
Fin du chômage : Dans le cadre de cette transition la responsabilisation sociale des agents économiques privés et publics sera instituée par le loi afin d’arrêter dans un premier temps la progression du chômage, et éventuellement d’y mettre fin. Dans le cadre du développement du nouveau code du travail sera institué le principe du ‘licencieur payeur’ et du reclassement obligatoire qui évoluera en parallèle avec les progrès de l’autogestion. Les entités économiques seront responsables du paiement intégral du salaire et des cotisations sociales jusqu’au reclassement des personnes licenciées. Ce reclassement devra respecter les qualifications et les contraintes familiales et de résidence de ces personnes. Ainsi les responsables se verront responsabilisés et la notion de chômage disparaîtra au fil du temps avec la généralisation de la propriété sociale et la disparition du salariat. Pour ce qui est des entités économiques en situation de faillite durant la période de transition, un organisme public sera créé afin d’organiser soit le reclassement de la force de travail, soit la création d’un ou de plusieurs collectifs de travail à partir de l’entité en faillite.
Transformer la production avec la démocratie de base : Afin de traduire la socialisation en termes de pratique quotidienne, la transformation des processus de production à l’intérieur des collectifs de travail sera une priorité essentielle ; ceci afin de mettre fin à la coupure entre dirigeants et exécutants qui est le propre du capitalisme managérial (pensons l’appareil de production comme Marx a pensé l’état). Aujourd’hui, tous les grands systèmes de travail, leur conception, leur mise en œuvre, leur contrôle, leur évolution sont organisés par les agents du profit au service du capital. C’est la réalité quotidienne de la subsomption réelle du travail sous le capital. Il est donc essentiel de défaire cette situation, mais ce sera difficile car les compétences requises sont entièrement aux mains du capitalisme managérial. L’autogestion devra donc imposer avec l’aide d’une nouvelle législation la transformation progressive de la division capitaliste du travail dans tous les collectifs jusqu’à ce que le despotisme managérial ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Les conseils/comités seront les agents de la mise en œuvre de cette transformation qu’il faudra intégrer dans les pratiques du travail quotidien. Ce sera une transformation sur le long terme. Des décisions cruciales seront nécessaires dès le départ, à commencer par le contrôle ouvrier, c’est à dire un droit de veto et de proposition pour tous les membres des collectifs concernant les décisions prises par la technostructure managériale. Ces structures managériales seront refondées en profondeur afin d’assurer la polyvalence de tous les intervenants et leur implication dans la prise de décision (démocratique) à tous les niveaux. Les bureaucraties de contrôle et de surveillance seront placées sous la responsabilité des comités puis progressivement abolies. L’échelle des revenus du travail sera initialement ramenée de 1 à 4 et les membres des collectifs pourront voter des changements dans le sens de plus d’égalité. Avec le temps et les progrès de la formation qui sera intégrer au travail quotidien, les producteurs assemblés en conseils/comités assureront directement le contrôle, la gestion et, l’évolution technique et organisationnelle du travail sans avoir à obéir à une technostructure preneuse d’ordre du capital. Les conseils d’administration, une structure essentielle du pouvoir bourgeois, seront remplacés par des conseils de surveillance composés de producteurs élus, d’utilisateurs/clients, de représentant(e)s des organisations populaires locales et régionales et de délégués des structures de planification des besoins.
Comme le note très bien les auteurs d’un texte sur l’autogestion publié en 2018 : « La résistance à la barbarie, aux despotismes et à la mondialisation néolibérale ne pourra se construire que par l’extension universelle des formes d’autogestion sociale et des citoyennetés capables de s’articuler entre elles dans leurs multiples objectifs et intérêts »
5. C’est sur le terrain de la production que cette résistance au despotisme se jouera au quotidien face à l’emprise du capitalisme managérial. Nous aurons ainsi réussi lorsque les entités économiques du MPC seront devenues des institutions de la société démocratique et que le travail aura été libéré de l’emprise du capital. Il faut faire disparaître tous les lieux d’autocratie patronale et actionnariale.

Libération de la nature.
L’agenda écosocialiste. La question est : que faire pour que l’usufruit de la nature (la terre) devienne une réalité ? La réponse se trouve dans la pratique d’un écosocialisme autogéré par notre bloc social. Plusieurs pays dont la Belgique, l’Allemagne, le Dan-mark, la France et d’autres ont développé des modèles très détaillés de transition énergétique basés sur 100% de sources renouvelables. C’est la seule façon de réduire les émissions de CO2 et de méthane et de mettre un terme au réchauffement climatique et à l’effondrement de la nature. C’est là notre première priorité. De très nombreuses associations et organisations politiques européennes travaillent aujourd’hui sur ce sujet et sur des projets de ‘communs de la nature’.
Le point de départ de la mise œuvre pratique sera que la nature, et ce que le capitalisme nomme ‘les ressources naturelles’ deviendront des communs, tout aussi inaliénables que le travail ; c’est la pratique instituante du mouvement écosocialiste (la création de communs) qui déterminera comment gérer les sources d’énergie renouvelables et les ressources naturelles qui seront réservées pour l’usage commun et qui ne seront pas appropriables. Dérivé de la nouvelle constitution, le cadre légal guidera la transition écologique de l’économie et le développement de modes de production, de consommation et d’échanges plus sobres dans le cadre du nouveau régime de propriété sociale. Ces modes ne seront plus axés sur la productivité et le profit mais sur l’écocentrisme et le respect des ressources naturelles, sur la valeur d’usage, l‘intérêt général des classes populaires, et l’implication de tous selon le mode autogestionnaire. La transformation du cadre légal permettra d’institutionnaliser les conseils et comités de quartiers qui s’impliqueront avec les collectifs de travail et interviendront comme ‘pouvoir populaire’ dans les activités de planification et de gestion des communs de la nature et de la terre. Cette intervention politique populaire sera donc au cœur de la transformation dont elle sera l’agent actif principal. Elle est essentielle pour obtenir des résultats.
L’organisation de la planification écologique sera une phase clé de la mise en œuvre de l’écosocialisme ; elle se fera à partir d’un Commissariat à la Planification Écologique (ou une entité similaire) qui aura la responsabilité du projet et en développera les axes principaux en collaboration et coordination étroite avec les organisations de participation populaire dans les régions, les municipalités et les entités économiques et administratives. Afin de prévenir un éventuel contrôle et une mauvaise mise en place de la transition écologique par des adversaires politiques toujours en poste dans les appareils d’état, il sera essentiel de créer un mécanisme dit de ’bas en haut’ comprenant à la fois une remontée des demandes populaires et le contrôle de toutes les décisions par des assemblées et des conseils locaux. C’est là un volet institutionnel très important ; il ne doit pas s’agir d’une autogestion animée de haut en bas par l’état mais d’un mouvement qui partira de la base ; l’état sera, comme le recommande les zapatistes, en situation de montrer la voie en obéissant. Il s’agit donc de mobiliser la puissance d’intervention des classes populaires comme nous l’avions vu en Italie avec ‘l’automne chaud’ de 1969 ou au Chili avec la création des ‘cordons industriels’ en 1972-73, mais avec en plus la dimension écocentrique. Sept mesures ‘alternatives’ seront la force motrice de la transformation :
1). Mise en place de la transition énergétique et création d’un pôle public de l’énergie afin d’atteindre l’objectif 100% renouvelables au plus tard en 2050
6.
2). Démondialisation de l’industrie (fabrication et services) et relocalisation selon les objectifs déterminés par les différents territoires afin de créer les conditions de développement durable et équilibré. Établissement de circuits ‘d’économie circulaire’ sous la responsabilité des conseils/comités de collectifs de travail et de quartiers.
3). Semaine de travail de 4 jours (28 heures) incluse dans le nouveau code du travail. Ceci afin de libérer du temps pour que les citoyens puissent s’impliquer dans les associations travaillant sur la transition énergétique at aussi afin de baisser la consommation d’énergie des secteurs industriel et agricole pour parvenir avant 2050 à une réduction de 30% sur la base 2015.
4). Mise en place d’une autorité du transport public dont la responsabilité sera la construction de réseaux très denses de transports non polluants (rail, routes et fleuves) et le lancement d’une politique publique de la mobilité. Le transport routier sur les longues distances sera réduit à un service minimum et de nouveaux types de véhicules à ‘hydrogène propre’ seront construits.
5). Transformation des pratiques agricoles sur la base d’un plan de transition écologique sur 15 ans. Développement d’une véritable agriculture paysanne biologique de taille humaine offrant des produits alimentaires de qualité pour tous (voir modèle des Nations Unies ‘Smallholder ecologies’). Mise en place de plans régionaux pour la souveraineté alimentaire. Refondation de tous les accords commerciaux en parallèle avec la fin du capitalisme agraire.
6). Nouvel aménagement des territoires et politiques urbaines axées sur l’écocentrisme. Refondation de la notion de développement et de croissance afin de mettre un terme à l’urbanisation à outrance qui fait partie du mode opératoire du MPC. Rénovation des constructions résidentielles, commerciales et industrielles avec mises aux normes (bandes A et B de performance énergétique).
7). Mise en place d’un grand plan de création de collectifs de travail pour accélérer la transition en liant la recherche (comme par exemple sur l’hydrogène) et l’application pratique immédiate. Lancement d’un plan prioritaire ‘ travail-pour-le-climat’ combinant l’action publique et la création de collectifs de travail autogérés avec financement bancaire (sans capitaux propres).

Libération de la monnaie.
L
es ordolibéraux et les capitalistes/rentiers considèrent que l’argent n’est pas un équivalent général ou un moyen de paiement, mais du capital-argent pleinement intégré aux circuits du MPC. C’est donc grâce à ce capital-argent que le cycle de réalisation de la plus-value A-M-A’ (argent-marchandise-argent augmenté), la base même du capitalisme industriel a pu se trans-former en cycle A-A’ (argent-argent plus rente), la base du capitalisme rentier.
Les états sont aujourd’hui en mesure de déclarer que la dette est obsolète et qu’elle doit donc être annulée. Ce sera l’euthanasie des rentiers selon la formule de Keynes ; elle pourra être confirmée par référendum. Tous les actifs financiers contrôlés par des banques ou des investisseurs institutionnels seront réquisitionnés par la puissance publique et placés dans des collectifs de travail ou des coopératives comme propriété sociale. Sous contrôle populaire, les administrations régionales seront en mesure de révéler l’identité des détenteurs et bénéficiaires de la dette publique et de faire la lumière sur toutes les transactions impliquant les obligations d’état. il sera e effet nécessaire de déterminer qui a profité de l’augmentation de la dette afin que les poursuites judiciaires contre les ‘banksters’ puissent être organisées.
La monnaie sous souveraineté populaire. Le principe de démocratie monétaire (monnaie citoyenne) et la définition de la monnaie comme moyen d’échange de base seront inclus dans la nouvelle constitution, la base institutionnelle de la révolution vers l’émancipation de tous. Une nouvelle banque centrale dont le conseil d’administration sera révocable, sera instituée. Contrairement à la BCE, cette banque fonctionnera comme une banque centrale ‘normale’ afin de coordonner les politiques monétaires et fiscales à une échelle décidée démocratiquement au niveau régional, national et européen. De plus cette gestion démocratique se fera sous contrôle du peuple et non plus de la nation afin d’en garantir la souveraineté. L’argent deviendra donc un commun, un moyen d’échange partagé qu’il ne sera pas possible d’aliéner ou de s’approprier dans un cycle de type A-A´. Dans un premier temps, le contrôle total des mouvements de capitaux sera institué, ainsi que la fermeture de tous les marchés secondaires permettant aux capitalistes de transformer leurs actifs en capital-argent (les différentes bourses). Le taux d’intérêt sera contrôlé par la banque centrale afin de diriger l’épargne populaire vers les activités prioritaires ; ce sont là des éléments essentiels de l’économie politique du travail.
Gestion démocratique du crédit. Une fois le nettoyage de la dette accompli, la seconde priorité sera de créer une nouvelle structure du crédit ainsi que des pratiques démocratiques et participatives pour le secteur financier. La gestion bancaire sera socialisée. Les activités dites de “banques d’affaires” seront démocratisées et alignées sur les priorités nationales de la planification écologique et de la transition énergétique. Les pratiques spéculatives seront liquidées ainsi que les opérations bancaires dans les paradis fiscaux. Les banques seront tenues de fournir les fonds nécessaires à l’investissement des collectifs de travail qui seront établis sans capitaux propres à la suite de la fermeture des bourses, ainsi qu’aux projets lancés par les acteurs publics locaux, régionaux et nationaux. Les conseils d’administration seront remplacés au niveau local, régional et national par des conseils participatifs représentant les collectifs de travail internes, les usagers, les différents collectifs/comités territoriaux et les organismes communaux, départementaux ou régionaux. Leur fonction sera de mettre les banques en prise directe avec les besoins de financement, notamment pour la planification écologique, la réindustrialisation, les transports en commun, l’agriculture bio et l’agro-écologie, etc. Les critères d’attribution des crédits ne seront plus la rentabilité à court terme et la maximisation des profits mais la contribution à des projets concrets de développement de l’économie locale selon les critères du développement durable et de l’écosocialisme. La finance sera au service des besoins écocentriques de la société ; elle sera ‘repolitisée’ en faveur des classes populaires. Chaque année, le bilan de la gestion des banques sera présenté localement et soumis à l’évaluation critique des usagers.
Pour accélérer la mise en œuvre des projets écosocialistes de développement urbain et rural, les agences bancaires seront de petite taille et très bien insérées dans le tissu économique local. Ce sera un virage à 180 degrés pour l’ensemble du secteur. Dans de nombreuses régions où les liens entre les services bancaires et la vie quotidienne n’existent plus, de nouvelles banques publiques ou mutualistes, nationales ou régionales seront créées et gérées démocratiquement. Ces décisions marqueront le début d’une véritable démocratie locale du crédit aux antipodes des politiques monétaristes européennes.
 
L’organisation de contre-pouvoirs : clé de l’action.
N
ous sommes confrontés à une question de choix stratégiques, les partis politiques doivent s’ancrer dans les territoires car la praxis écosocialiste commence au niveau local ; ils doivent aussi être présents sur les lieux de travail et participer à la construction de la future infrastructure de pouvoir basée sur les conseils. Nous avons besoin d’un tel réseau dense qui est distinct de la pratique de l’électoralisme afin de fortifier le mouvement, d’obtenir des résultats concrets, et de développer une légitimité parmi les classes populaires en termes de contre pouvoirs. La coordination et la capacité de construire aux niveaux supérieurs (régions et nations) est aussi importante. Comprenons bien qu’une des grandes faiblesses du mouvement des Gilets Jaunes en 2019 a été son incapacité à coordonner de façon pérenne le concept ‘d’assemblée des assemblées’ destiné à coordonner et organiser le mouvement au niveau national et à définir des priorités pour l’action. De telles coordinations sont indispensables afin de confronter les appareils de l’état bourgeois et le MPC et pour que des événements révolutionnaires multiples puissent germer localement et régionalement, rendant les pouvoirs coercitifs de la bourgeoisie inopérants.
La bifurcation sera possible si plusieurs moments révolutionnaires changent le rapport de forces afin d’ouvrir la transition vers un nouvel ordre, différent de l’ordre bourgeois : l’état, le MPC et le despotisme seront remplacés par de nouvelles constructions sociales : les communs et l’autogouvernement. Les communs seront institués par la lutte et une praxis politique forte et cohérente qu’il faut organiser dès maintenant. Les communs, comme nous l’avons vu, ne peuvent pas être proclamés par décrets légaux. Les communs ne sont pas des choses, des objets ou des biens, ils sont les actions collectives, les modes de vie, et l’autogouvernement des classes populaires ; ils sont aussi des relations sociales et le résultat d’une production coopérative et solidaire ; les communs sont notre réponse à la marchandisation et à la concurrence car ils en sont l’image inversée, l’aboutissement d’une intelligence collective en action pour le bénéfice du plus grand nombre. C’est ainsi que de nouvelles constitutions peuvent être écrites, par des mouvements adossés à un ensemble coordonné de contre pouvoirs. C’est à partir de la base que nous pourrons construire un nouveau cadre légal pour changer le régime de propriété et son mode de fonctionnement, ses opérations. La propriété et sa gestion deviendront la responsabilité du collectif. Le temps de l’organisation et des moments révolutionnaires est donc venu. La situation est tellement critique qu’il faut atteindre le point de bifurcation vers la nouvelle économie politique très vite. C’est pourquoi il faut organiser le politique en vue d’agir collectivement, et pas seulement en élisant des représentants. Il est temps de confronter le MPC et ses agents partout car nous travaillons tous, même si nous sommes sans emploi. Les réflexions d’Antonio Gramsci sont ici tout à fait pertinentes dans la lutte contre le MPC car il avait remarqué qu’il ne s’agit pas seulement du procès de travail (ce qui est fait et par qui) qui est fondamental, mais ce qu’il nomme la politique du lieu de travail, c’est-à-dire comment le travail est construit et mené à bien, quels types de normes sont instituées dans la pratique, qui définit ces normes et qu’elles en sont les raisons d’être, la rationalité. Ce qu’il considérait comme le plus important, et cela nous est confirmé aujourd’hui par la domination de la technostructure managériale du MPC mondialisé, c’est le régime d’hégémonie que ses agents mettent en œuvre sur les lieux de travail afin de neutraliser et détruire l’organisation syndicale, les pratiques solidaires, et toutes les entraves à la capture de la plus-value. Le lieu de production, lieu de sociabilité et de coopération, est donc au cœur du politique. Ses opérations quotidiennes, ses relations sociales de pouvoir, sont au cœur du politique, sa structure de classe est au cœur du politique.
Appliquons donc ces remarques pertinentes en devenant collectivement les intellectuels organiques de la transformation, construisons les organisations populaires et utilisons la praxis pour contrer la gouvernance capitaliste sur les lieux de travail et de résidence afin de créer des alternatives
L’émancipation sera une conquête, pas un cadeau. Seuls les contre-pouvoirs nous conduirons à l’abolition de la domination de classe et à la neutralisation de la tyrannie des experts :
« Les contre-pouvoirs doivent être capables de confronter le néolibéralisme et les opérations du capital dans la vie quotidienne … dans l’histoire du mouvement communiste, la dualité de pouvoir a toujours été vécue comme une étape transitoire se terminant avec la rupture révolutionnaire…. Nous avons aujourd’hui besoin de repenser la problématique du double pouvoir et de définir un cadre politique stable et capable d’articuler les dynamiques de lutte, de transformation, et de gouvernement par la création d’un système de double pouvoirs durable. Il nous faut donc réfléchir et réinventer le soviet comme une institution d’auto-organisation et d’autogouvernement tout en repensant sa relation avec les institutions politiques existantes… Le second pouvoir, institué par les luttes et la mobilisation sociale est l’élément politique crucial…La grande variété d’organisations et d’institutions qui compose le second pouvoir doivent conserver leur autonomie et poursuivre le travail avec des logiques différentes de celles des institutions en place… Le second pouvoir doit aussi jouer un rôle de premier plan dans le développement de la stratégie et dans l’approfondissement de la transformation sociale à venir… Le second pouvoir va devoir se charger de la construction d’institutions auto-organisées et d’infrastructures politiques en dehors et au-delà de l’état afin de développer les communs…Il aura aussi la responsabilité de bâtir des coalitions et des actions locales afin mettre en pratique une action politique efficace contre toutes les formes du capitalisme contemporain. Il s’agit donc d’un véritable recadrage de la totalité du politique »
7.
Nous devons acter la bifurcation et la transition vers une société écosocialiste ; un Green New Deal sans rupture systémique est impossible car c’est le MPC qui dicte l’accélération de la croissance après la pandémie, et ses priorités sont claires : les profits d’abord ; c’est ‘l’ordre naturel des choses’. Mais aujourd’hui la société bourgeoise est à la croisée des chemins, soit la bifurcation vers l’écosocialisme, soit la régression vers la dystopie barbare… Nous devons faire un choix. Venceremos !
 

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